Plans sociaux : dans la tête d’un dirigeant

Les luttes trégorroises, Jean-Pierre Meunier les connaît bien. Cet ancien dirigeant de Thomson Lannion a mené deux plans sociaux, en 1984 et 1987. Pour le premier, relations compliquées avec les syndicats et séquestration ; pour le second, un climat bien plus calme.

Jean-Pierre Meunier, ancien dirigeant d’entreprises dans le Trégor, a connu les plans sociaux de 1984 et 1987.

« Ça a été des expériences très stressantes. Ce n’est pas quelque chose de plaisant de licencier des gens. » C’est le souvenir que garde Jean-Pierre Meunier des deux plans sociaux qu’il a menés, en 1984 et 1987. Ce dirigeant d’entreprise désormais à la retraite est originaire de Normandie. 

Après des études scientifiques à Paris, et plusieurs premiers emplois, il entre à Thomson Paris. En 1982, il est muté à Lannion afin de diriger l’antenne trégorroise de l’entreprise. « Lorsque je suis arrivé, le climat dans l’entreprise était correct : travail de qualité et bonne ambiance », confie-t-il. En septembre 1984, la direction parisienne annonce la fermeture. « Thomson a fusionné avec Alcatel CIT. Mon rôle était de fermer l’usine dans de bonnes conditions », explique l’ancien dirigeant.

« Ce sont les ouvriers qui ont été les plus pénalisés car toute la fabrication a été automatisée, donc ils n’ont pas été repris. Avec mes relations, j’ai essayé de trouver un emploi à certaines personnes, notamment lorsqu’un couple allait être licencié. » Lors du plan social, la majeure partie des personnes perdant leurs emplois étaient des femmes. « Pour la plupart, elles n’avaient pas de qualifications particulières, il était donc difficile de leur trouver un autre poste  », déplore Jean-Pierre Meunier.

« J’ai été séquestré par les manifestants. »

Entre tensions et séquestration

« Le plan social de 1984 a été particulièrement difficile. » De nombreuses mobilisations ont été organisées par les employés pour sauver la centaine d’emplois menacés. Selon l’ancien dirigeant, les syndicats n’ont pas été à la hauteur. « La CGT était majoritaire à l’époque. Plutôt que de négocier plus d’argent pour indemniser les licencié·e·s, les syndicalistes sont montés sur Paris pour casser » se souvient-il. 

Jean-Pierre Meunier a aussi été séquestré avec Denise Le Penven, la directrice des ressources humaines. Enfermés dans une salle de réunion du jeudi matin au vendredi après-midi, ils avaient réussi à prendre un téléphone pour garder un contact avec l’extérieur. Le dirigeant a mal vécu ces longues heures. Il se souvient des rires et discussions joviales des employé·e·s qui se trouvaient à l’extérieur. « C’étaient tous des gens que je connaissais. Ça m’a beaucoup appris sur les relations humaine, » raconte Jean-Pierre Meunier. L’usine a fermé définitivement en septembre 1985.

Un second plan social « beaucoup plus facile »

Jean-Pierre Meunier s’éloigne quelque temps de la direction pour un poste d’ingénieur d’affaires dans l’usine d’Alcatel CIT à Tréguier. En 1987, il en devient directeur des ressources humaines. « Quand j’ai accepté, je savais déjà que j’allais devoir mener un plan social. J’ai été choisi pour mon expérience dans le domaine. Cette seconde vague de licenciements a été « beaucoup plus facile » pour lui. « Je connaissais déjà les employés, ils m’appréciaient. J’ai d’ailleurs été invité à la plupart des pots de départs », confie-t-il, le sourire aux lèvres. 

Une ambiance bien différente de celle qu’il avait ressentie à Thomson. Jean-Pierre Meunier l’explique notamment par le statut des employé·e·s. Tou·te·s avaient au moins un poste de technicien·ne. « J’ai trouvé que le tout s’est passé dans la discrétion et la pudeur. Ceux qui voulaient partir venaient me voir discrètement. Il en était de même pour ceux qui y étaient contraints. » 

La plupart a retrouvé rapidement du travail. « Parfois, certains quittaient leur poste le vendredi pour intégrer une autre entreprise le lundi. D’autres se réorientaient complètement et montaient leur affaire. » En 1993, l’usine de Tréguier est transférée à Lannion, Jean-Pierre Meunier est muté à Paris. C’est là qu’il termine sa carrière, avant de prendre une retraite à Perros-Guirec.

M. Furic