Il ne s’arrêtera jamais de militer

À 19 ans, il recevait sa première carte de la CGT. Même s’il a quitté son poste à Nokia en 2017 lors d’un plan de départs volontaires, Sylvain Girondeau n’arrête pas de militer. Le retraité le proclame : « Quand on se syndique, c’est pour la vie»

Des plans sociaux, Sylvain Girondeau en a connu 17 en 42 ans de carrière. De sa fonction de technicien de production à l’AOIP (Association des ouvriers en instruments de précision) de Guingamp, jusqu’à son rôle dans le service recherche et développement à Alcatel Lannion, ce syndicaliste n’a jamais cessé de soutenir le personnel menacé. Jeudi 17 septembre, l’homme d’une soixantaine d’années venait de Guingamp pour exprimer à nouveau son soutien aux salarié·e·s de Lannion.

Se syndiquer pour se soutenir

A seulement 19 ans, Sylvain Girondeau s’est syndiqué, c’était sa manière de soutenir les collègues qui risquaient de se faire licencier. « Dans les années 1980, beaucoup étaient à bout de nerfs, je me suis engagé pour les aider, » explique-t-il, vêtu de son vieux gilet aux couleurs de la CGT.

« En usine de production, les conditions de travail sont dures. »

Originaire de Paris, il commence sa carrière à Guingamp, après une école d’apprentissage à l’AOIP. A la fin de ces trois années d’études, l’école lui permettait d’intégrer directement un établissement en France. Sylvain entre dans la vie active en usine à 18 ans en tant que technicien de production. De 1978 à 1985, son rôle est de contrôler des cartes électroniques en bout de chaîne pour attester, ou non, de leur fonctionnalité.

Printemps 1990. L’usine de Guingamp va fermer. « C’est très difficile pour les personnes licenciées de retrouver un patron. Les gens de la CGT ont mauvaise presse. On est les empêcheurs de tourner en rond, les intransigeants avec la sécurité des salariés. » Sylvain est épargné. Il est simplement transféré à Lannion dans un service de recherche et développement.

Face à la CGT, des avis controversés

Selon certains patrons, les mouvements syndicaux de la CGT sont violents et ne laissent pas de place au dialogue. En mai 1985, la direction de CIT-Alcatel avait notamment porté plainte contre la CGT pour « entrave à la liberté du travail ». Mais le syndicaliste retraité dément avec ferveur les propos des patrons : « C’est certain, la CGT a toujours refusé la violence et la casse de l’outil de travail. » Le sexagénaire a déjà entendu parler des séquestrations, une méthode qu’il comprend : « Quand rien ne bouge, on ferme le bureau tant que les dirigeants ne prennent pas de décisions. Ensuite, ça permet d’ouvrir le dialogue. »

Dans les années 1980, les rassemblements sont moins pacifiques qu’aujourd’hui. Le 1er février 1985, des manifestants ont allumé cent cinquante feux pour bloquer en gare de Guingamp le train express Paris-Brest. Quelques jours plus tôt, une trentaine de militant·e·s CGT étaient monté·e·s à 75 mètres de hauteur dans la tour hertzienne du Cnet (Centre national d’études des télécommunications) « afin de bloquer les transmissions » raconte le retraité. À force d’exercer une pression, ces actions permettent parfois de « sauver quelques emplois ».

Désormais, la stratégie a changé : aux manifestations chocs, les militant·e·s préfèrent des actions plus démonstratives et symboliques. Les 402 silhouettes accrochées le long des bâtiments de Nokia le montrent : « C’est frappant, on se rend compte de ce que ça représente », décrit Sylvain, l’air convaincu.

Sylvain Girondeau, retraité, est syndicaliste à la CGT depuis ses 19 ans.
Une ambiance de travail détériorée

Au début de sa carrière, tout était différent. La nostalgie s’installe alors lorsque le syndicaliste CGT se remémore ces années : « On avait tout ! Une chaîne de production, des commerciaux et des ingénieurs, c’était enrichissant parce qu’on s’apportait des solutions et on échangeait ensemble. » Il déplore aujourd’hui le manque de communication entre employé·e·s et regrette l’absence de connaissance du métier de la part des patrons. « Ce ne sont que des managers et financiers. Mais ils ne connaissent rien aux problèmes industriels. »

M. Leroy et N. Astor

Silhouettes à Nokia. Se battre avec des images

402 silhouettes, autant que de postes menacés, ont été affichées autour du site de Nokia à Lannion

Marquer les esprits. Sur plusieurs centaines de mètres, 402 silhouettes en bois entourent, depuis le 8 septembre, le site de Nokia. Ce nombre, c’est autant de postes menacés. 

« On a fait jouer les scies sauteuses, les pinceaux et la colle », confie Bernard Trémulot, délégué syndical CFDT, à l’initiative du projet. Quelques dizaines d’employé·e·s se sont succédé·e·s sous « L’Agora », un barnum installé face à l’entreprise pour la fabrication des silhouettes.

Déjà en 2007, elles avaient attisé la curiosité de la population lors de manifestations. Les nombreux profils en bois placardés sur la zone rendent compte de la gravité de la situation, donnant une certaine lourdeur à la promenade.

« C’est de la communication symbolique et ça fait partie de la bagarre », explique le syndicaliste. La reproduction de ces pancartes a été relayée sur les réseaux sociaux et sur plusieurs grandes chaînes de télévision. Une première réussite donc, car la communication médiatique a pris de l’ampleur.

Moins violentes que les blocages et séquestrations passés certes, les mobilisations actuelles restent un moyen de pression. « Elles limitent la casse », défend Sylvain Girondeau, syndicaliste CGT. « L’époque est différente, les méthodes d’action aussi. Mais l’émotion n’est pas moindre pour autant », ajoute Bernard Trémulot. Fini le rapport de force ? Désormais, on se bat avec des images.

Autre initiative : le 21 septembre, les employé·e·s de Nokia ont pédalé à Lannion. Le cumul de la distance parcourue par chacun est égal à 3200 kilomètres, soit l’équivalent de la distance entre Lannion et Espoo, le siège social de Nokia en Finlande. Les salarié·e·s attendent bien une réaction de la part de Pekka Lundmark, PDG de la multinationale de télécommunications, sans quoi ils continueront ce combat.