La téléphonie rurale, une success story mondiale

Petit laboratoire d’études, le centre technique de TRT Lannion et ses ingénieur·e·s ont réussi à conquérir le monde avec leurs deux produits phares, que sont l’IRT (Integrated Rural Telephony) 1500 et l’IRT 2000.  De Lannion aux îles Malouines, TRT s’est construit une réputation internationale.

 

C’est en 1980 que TRT, équipementier en télécommunications, se spécialise dans la téléphonie rurale avec un produit novateur : l’IRT 1500. Un système permettant de raccorder par signal radio des groupes d’abonné·e·s téléphoniques, situés dans des lieux isolés comme les montagnes ou les îles. « Dans ces zones, c’était impossible d’utiliser le système filaire. L’IRT 1500 permettait aux personnes raccordées par radio de téléphoner dans le monde entier », explique Lionel Elegoët*, ancien chef de projet de l’IRT 1500.

Par intérêt pour un tel projet, le cnet finance la moitié des coûts d’études pour en soutenir l’exportation.  « Malgré tout, ce sont les équipes de TRT qui définissent de manière indépendante le cahier des charges », ajoute-t-il. Ce projet mobilise la majeure partie de l’entreprise. Environ 100 personnes, dont 70 à Lannion, réparties sur les différents sites français de TRT,  sont mises à contribution.

De l’IRT 1500 à l’IRT 2000

C’est en France, au début des années 1980,  que les premiers raccordements sont effectués, d’abord entre Lannion et Trégastel, puis en Corse et dans le Jura. L’IRT 1500 intéresse déjà le monde entier puisque des commandes sont passées en Nouvelle-Zélande, au Zimbabwe, au Malawi et en Malaisie. Si les IRT 1500 sont pensés et prototypés à Lannion et Paris, la production industrielle se déroule à Rouen. En 1985, les ingénieur·e·s souhaitent améliorer la capacité de leur produit.

Ils·elle·s développent un système plus ambitieux, l’IRT 2000, commercialisé à partir de 1988. Grâce à celui-ci, il sera possible de couvrir des régions beaucoup plus vastes, avec un réseau plus important. Avec l’IRT 1500, il était possible de raccorder des abonné·e·s téléphoniques sur un réseau de 60 kilomètres, distance entre le central et la station d’abonné·e·s la plus éloignée. C’est trois ans plus tard, en 1988, que les premières liaisons de l’IRT 2000 sont opérationnelles. « L’IRT 2000 permettait de raccorder 500 abonnés, contre une centaine seulement pour l’IRT 1500, et sur un réseau de plus de  100 kilomètres », témoigne Lionel Elegoët*.

Un produit exporté dans le monde entier…

TRT exporte 90 % de sa production, soit plus de 1400 systèmes sur cinq continents, permettant de raccorder 600 000 abonné·e·s. En 1992, TRT a relié des zones rurales isolées dans plus de 60 pays. L’entreprise domine le marché mondial de la téléphonie rurale et s’inscrit dans une logique de mondialisation, caractéristique des télécoms dans les années 1980. Ses principaux concurrents sont canadiens (SR Telecom), japonais (NEC) et américains (AT&T).

SR Telecom et TRT se partagent le marché, à hauteur de 40 % chacun. Outre-Atlantique, le petit laboratoire d’études de Lannion intrigue. « Les Américains étaient étonnés de savoir que la réussite de l’IRT 2000 sortait d’un petit laboratoire de TRT installé en Bretagne, à Lannion. Mais ce n’était pas si étonnant que cela : il est né dans un environnement avancé dans les télécoms, autour du Cnet et d’un écosystème qui s’est révélé original et performant », se remémore François Leraillez, président de TRT France jusqu’en 1990.

 

 TRT a tiré profit de la présence du Cnet à Lannion pour s’y installer à son tour en 1971. Certain·e·s ingénieur·e·s viennent du site du Plessis-Robinson, situé en Île-de-France, et bénéficient du soutien financier et logistique du Cnet sur leur projet, un soutien constant pour l’IRT 2000.

 « Les Américains étaient étonnés de savoir que la réussite de l’IRT 2000 sortait d’un petit laboratoire de TRT installé en Bretagne, à Lannion. »

… Et qui attire les Américains

AT&T, entreprise de télécommunications américaine, n’est pas implantée en Europe et cherche, justement, un point d’ancrage pour y prendre des parts de marché. Au début des années 1990, elle développe également des produits en concurrence avec ceux de TRT. « AT&T avait énormément de retard en comparaison du nôtre », explique Lionel Elegoët*. Pour combler le retard de sa propre recherche, elle jette son dévolu sur TRT. Le leader de la téléphonie rurale peut lui rapporter gros. Elle profite de la volonté de Philips, actionnaire de TRT avec 49 % des parts du capital, de céder sa filiale en télécommunications pour entamer des négociations.

« C’était une vraie aubaine pour AT&T, racheter des concurrents plus performants fait partie du jeu », commente l’ancien chef de projet de TRT. Il participe d’ailleurs aux réunions de rachat entamées avec TRT-Philips et s’en souvient très bien. « Je leur ai présenté l’IRT et ils m’ont directement dit que c’était exactement cela qu’ils auraient dû faire dès le début. » C’est ce qu’ils ont fini par faire, le rachat étant en marche.


*Le prénom a été changé

 

A. Gendry, J. Laquerre et L. Prati