Dans le secteur des télécoms, Orange est un des groupes majeurs à Lannion. Ce dernier a adopté une stratégie d’accompagnement des start-up depuis la fin des années 1990. Une politique dont le but est d’accéder à de nouveaux marchés et produits. Un système d’interdépendance s’est ainsi développé entre Orange et les start-up qu’il subventionne.
Les grandes entreprises telles qu’Orange sont les garantes de la survie du secteur des télécoms dans le Trégor. Ces groupes sont vecteurs d’emploi. Lorsque l’on s’intéresse à la création de start-up dans le Trégor, c’est également de leur côté qu’il faut regarder.
Les start-up (voir encadré*) représentent un avantage pour les grandes entreprises. Pour Raphaël Suire, chercheur en économie et management, « en 2020, les grandes entreprises sont dans une situation complexe en raison de l’arrivée de concurrents plus petits et plus agiles ». Contrairement à elles, ces PME concurrentes sont libres d’investir du temps et de l’argent dans des innovations moins rentables à court terme. Des technologies qui, une fois abouties, peuvent intéresser les grands groupes.
Une coopération à deux vitesse s’opère entre ces start-up et Orange. Lorsqu’à la fin des années 1990, le secteur des télécoms connaît une crise, l’entreprise fait le choix de lancer une vaste politique d’essaimage* (voir encadré). Les ingénieur·e·s d’Orange sont incité·e·s à monter des structures indépendantes, mais avec un accompagnement. « Dans un monde plus concurrentiel, les entreprises vont stimuler la génération d’idées nouvelles en interne par la mise en place de programmes d’intrapreunariat, précise Raphaël Suire. À la fin de ce processus d’intrapreunariat, deux possibilités. La première : l’idée ne fonctionne pas, donc le collaborateur retourne dans son service ou s’en va. La seconde : l’idée peut s’industrialiser et un prototype entre en production. Autre option : une entreprise se crée par essaimage d’Orange. Le grand groupe garde des liens financiers avec la start-up, ce qui lui permet d’être la mieux placée en cas d’innovation stratégique. »
“L’idée est de développer avec ces start-up des offres complémentaires par des solutions jugées non-prioritaires pour Orange”
« Pour dialoguer avec ces nouveaux acteurs que sont les start-up, les grands groupes ont mis en place des structures dédiées », poursuit Raphaël Suire. À Orange, cette relation s’établit par l’intermédiaire de ses filiales Orange Start-Up Studio et Orange Fab. Toutes deux sont chargées d’accompagner les start-up en phase d’amorçage. Orange Start-Up Studio aide celles issues de l’intrapreunariat et de l’essaimage et Orange Fab, les start-up “indépendantes”.
« Avec ces start-up, l’idée est de développer des offres complémentaires par des solutions jugées non-prioritaires pour Orange », explique Philippe Reymond, chargé de l’aide à la création de start-up pour Orange Start Up. L’intérêt pour le groupe est double : mobiliser l’ensemble de ses moyens vers les secteurs stratégiques de la recherche et du développement, tout en gardant un œil sur l’écosystème de recherche capable d’identifier des idées nouvelles. « Nous accompagnons les salariés dans leur start-up parce que ça ne répond pas aux intérêts technologiques de l’entreprise et les remplaçons par des emplois dans un domaine de croissance économique », explique Fabrice Fauchoux, directeur adjoint d’Orange Labs* Lannion.
Des transferts de propriété encadrés entre Orange et les start-up
Entre Orange et les start-up qu’il encadre, les transferts technologiques sont fréquents. Ils sont définis sur des bases contractuelles dès leur création. Au début des années 2000, ces transferts de propriété intellectuelle se faisaient en échange d’une entrée d’Orange au capital de la start-up. Cela a notamment été le cas des entreprises HighDeal et Netcentrex qui ont obtenu des technologies Orange contre 10% de leur capital en bons de souscription d’actions. Jusqu’en 2012, c’est la filiale Innovacom qui était chargée de trouver des financements pour les start-up estampillées Orange. Entre sa création en 1988 et son autonomie, Innovacom a rassemblé plus d’un milliard d’euros de fonds pour les 300 start-up qu’elle a accompagnées.
Aujourd’hui, Philippe Reymond assure que ce n’est plus le cas, car « ce n’est pas le rôle d’un opérateur téléphonique de prendre des parts dans le monde des start-up. » Des propos surprenants puisque Orange a lancé, en 2015, la filiale Orange Digital Ventures pour reprendre les activités d’investissement d’Innovacom. Une filiale qui revendique quinze campagnes d’investissements pour une valeur totale de 150 millions d’euros. À Lannion, Actility, spécialisée dans l’Internet des objets, en a bénéficié en 2017. Pour Orange, le retour sur investissement intervient soit par la récupération des technologies, soit à l’entrée en bourse de la start-up lorsque Orange revend ses parts.
Orange n’est pas seul à s’être donné pour mission d’accompagner le lancement de start-up sur le territoire trégorrois. La technopole Anticipa vise à « faire en sorte de construire un écosystème intéressant pour les grands groupes. Ainsi qu’à développer l’activité économique pour accueillir les start-up » selon Estelle Keraval, directrice de la technopole. « On cherche à pérenniser les activités sur le territoire. » L’équipe d’Anticipa travaille donc à la mise en relation entre Orange et les personnes avec des idées d’innovations qui pourrait les intéresser. Elle peut aussi aider les salarié·e·s du grand groupe à structurer leurs projets. « Les start-up lancées par essaimage d’Orange sont minimes. Je dirais 2-3 sur une quinzaine sont créées par an » développe Estelle Keraval.
Définition :
- Essaimage : Lorsqu’une entreprise accompagne et facilite l’accès à la création ou la reprise d’entreprise par ses salarié·e·s. La pratique est fréquente au sein des multinationales, mais à aussi cours chez les PME.
- Start-up : Jeune entreprise novatrice dans le secteur des nouvelles technologies.
- Trégor Valley : Il s’agit du terme pour parler de l’écosystème des entreprises de télécom dans le Trégor. Cette expression renvoie à sa période pérenne lors de l’implantation du Cnet (Centre national d’étude des télécommunications) sur le territoire en 1962. Elle fait référence à la “Silicon Valley” à San Francisco en Californie, accueillant de nombreuses start-up et entreprises internationales de technologies.
V. Duval et F. Paulet